Vendée Globe 2024 | Lundi 30 décembre 2024

Voilà à l’allure moindre et « voilà il est là »

Le moment, comme la terre au loin

« Le Cap Horn, on y est. Enfin »

Le mot manque un peu mais le parler se maintient

Voilà elle est là, il y est : la fin

Trop d’encre a fui des forces

« ça n’a pas été simple »

La violence ici a eu les morsures du Sud

Lui a les mots dignes, même s’il doit maudire ce sort

Sûr que « j’aurais voulu passer dans de meilleures conditions »

Mais tant d’aléas conditionnent même les plus grandes ingénieries

« le bateau et la mer en ont décidé autrement »

L’attente, d’aller à l’abri ? « je dois abandonner maintenant pour réparer »

Tant d’allées et venues mais « j’aurai fait les trois caps »

Le temps n’est pas dallé que d’offrandes et dons

Le marin devant s’offrir, en vie, à la cassure d’une trajectoire

Le temps est d’aller « devoir faire une escale technique à Ushuaïa »

El mar l’a ainsi décidé, tout étant trop imbriqué pour s’en sortir seul

Là où il choya son navire pourtant mais il échoue à vent que veux-tu

Pas non plus d’échouage ou d’échouement ; alors est-ce un échec au fond ?

Déchus ? quand on s’est efforcé de tout donner, de convoyer en sûreté

« C’est comme ça » séquence à absorber dans cette lumière des sens

Au large « malgré tout, arriver au Cap Horn », pour convoler assurés

Son partenaire en a-t-il des réminiscences ?

Hors cap de course, partir éteindre l’incendie en Terre de feu

Avec cet air de fin dans les yeux, la barbe du marin

« le fond de coque derrière est délaminé »

Des lames hier y ont incisé leur passage

Le replat de ce jour permet la mine ensoleillée même si triste

Matrice que tous se doivent d’envisager

Même si des heures pareilles déçoivent

« le bateau qui est cassé arrière-tribord »

Et ils n’ont pas casqué que d’un seul épisode

« en plus de mes problèmes de barre »

Les preuves sont manifestes, après le Horn, léger cap nord

Pour s’en aller au long chenal sous l’Argentine

Le corps éprouvé, moins que les pensées

Quand sous lui un pan « de la peau carbone est parti »

« ça a été une sacrée épreuve » et il s’en fait sucrer le goût

De remonter une dernière fois en course, en solitaire

Après la Tierra del fuego, âpre laps à se faire huer de maux

Les prélats et démons de la Providence ont par trop pesé

Or, après le Horn « même si je suis hors course j’aimerais rallier »

Relier sa position présente à celle prévue, peu important

Que le sel des vues d’adversaires ne soit plus un enjeu

Tout se fera à la façon de ce qu’en diront les siens

Rallier l’Atlantique Nord sera sous condition, après avoir déraillé

Pour bien plus que des rayures, alors « on verra »

Les réfections possibles « en fonction du diagnostic »

De ceux qui dans la seconde doivent être à artiller valises et matos

Pour ce matelot sauf mais au bateau blessé

Donnant rendez-vous au plus Sud du monde habité

Dans cet abri tempétueux même en été là-bas

A « mon équipe technique » dont les bras sont requis

Il n’y aura pas de célébration, mais unos abrazos sûrement

Pour une passation d’état, et de 36 à 35

Comme il en est une qui en ces jours de fin fêtera

L’année qui se termine et celle en avance, qui commence

On ne commente pas les souhaits, surtout s’ils relèvent de la gagne

Comme hantée, toute communication trop claire se perdrait

Comme enterrer en mer n’a pas de sens : le temps n’étant qu’une distance

Au fil des mois, on y aura caressé beaucoup de beau et de lueurs

« en y laissant beaucoup du leur » sur l’eau  

« que les marins » se seront adressés, permettant des parallèles

Entre les présents pauvres ou riches et les passés délaissés, en friche

Quand les deux du devant « continuent de progresser » au ralenti

De la hantise à trop se souvenir ?

Du premier volet Atlantique, qui se descendait

Quand le Sud transcenda, quand la joie fût dépression s’offrant

D’un Pacifique non détendu, que d’un jaillissement ils passèrent

Mais « les mâchoires presque aussi serrées » l’air passe et recompose

« Longtemps on a trouvé » … les difficultés plutôt effacées

« la flotte relativement épargnée » comme sous parapluie

D’intempéries intérieures, de ne pas tant périr au classement

« avec un taux d’abandon exceptionnellement faible »

Mais tout corps va faiblissant dans les tronçons traversés

Dans ces tours d’abondance, en vent, vitesse et diableries

« mais force est de constater que » du plus harnaché ou moins modernisé

Le panachage des douleurs s’opère et le diable rit des sorts faits

Des sortes de facéties, dans la mesure où tous respirent, l’intégrité

Pero de tanto gritar, el viento supo hacer : des cris d’orfraie

L’heure fraîche pour beaucoup, avant le Horn

Sus aux navires trop entiers, ont dit les corps non saisissables

Au long des jours rien ne s’édulcore, peu important que l’on y mette du cœur

« après 50 jours de mer » les plaies sont comme des volcans sordides

Des sortes d’îles à bord de leurs petits territoires

« petites et grandes avaries se multiplient »

A tel pan de la course, s’atteler à reficeler pour continuer de filer

« à tel point qu’il est difficile d’en tenir le décompte précis »

Des combles à colmater, décombres auxquels renoncer

Précisément aux heures où les conditions se font peu clémentes

« Voiles, hooks, barre, énergie » émerge ici toute une clique d’entraves

Les regards voilés, les voix légèrement cassées

Des mâts aux quilles aux étraves

Les retards ? bois-les, fais-toi maçon ou mécanicien

L’une a démâté, mise en terre sûre maintenant : Australie

« tous s’observent désormais » dans une nécromancie anticipée

Les trajectoires révélant ce qui est roussi, à la limite du navigable

S’essayant à deviner quelles sont les peines qui « accablent les uns et les autres »

L’une ayant perdu son aile, sorte d’Achab mais toujours maîtresse et capitaine

Dans toute cette logique d’écarts, où l’on balise de la seule détresse

Jean-Marie Loison-Mochon

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