Un autre univers

Je cherche à imaginer ce monde parallèle

Où un certain matin, dans l’étau de cette nuit, encagé

Il m’aura été donné de décacheter mes rêves et leurs lames

Celles qui bientôt, dans ce jour encore mort

Dans ce jour le plus morne de tous les jours

Si les glaives s’étaient levés de mes côtes, les chaînes défaites

A mes bras, mes jambes, que cette couette de torpeur et de peine…

Que cette parure pleine d’angoisse et d’instincts crépusculaires

A l’aube, cette dernière aube, s’était désensorcelée

Si le poids immense de cette vie, de ces conflits mortifères

Avait soudain cessé, que le poison de mon sang, du froid et des sueurs

Mêlés nocturnes, avaient pu se délier, m’élancer autrement

Vers ce monde nouveau, versant parallèle à celui…

Dans lequel j’ai glissé, tombant immobilisé mais stellaire

Emporté par ce qui me prenait, au ventre, aux nerfs, au plus profond de mes sens

Sans pouvoir m’extirper de cet au-delà que toute la nuit j’avais fréquenté

Quand sous voile obscur, de l’autre côté je te voyais

Moi pris aux tripes, par des ombres belliqueuses

En ces instants-là je revois le monde d’avant

Et le pessimisme me fait voir un monde d’avance

Quand entre ce sort obscur, reclus dans le coin de cette pièce

Cet entre-monde m’enterre comme un trésor

Quand à tes heures pourtant, tu savais te dire amour

Et moi, entre mendicité pour la paix et lutte pour qu’il n’y ait pas de guerre

Sauveur de rien, je m’embaumais dans mon suaire intoxiqué

Que serait-il arrivé dans cet autre monde, quand l’aube est venue ?

Qui fausserait ce qui de nous est advenu ; figé ?

Moi juché sur cette branche entre les univers

Je verrais unis nos corps

Réunies nos peines et difficultés, l’antagonisme

D’entre joie et souffrance

Pour d’autres jours ayant franchi l’écueil

De cette aube

Jouée autrement c’est-à-dire

Toi contre moi pour dire : toi avec moi

A étirer cette fin de nuit car là-bas tu aurais franchi

La frontière de quelque drap, quelque distance de centimètres

Sans y mettre une once de bras de fer, de semonce dormante

Toi à demi-assoupie encore, et là-bas en rien prête à mener la guerre

Cet autre avenir qu’on se construirait ?

Dans cet envers où tu ne m’aurais pas conspué

Je suspecte tes anges d’avoir drainé de mauvaises lunes

Et dans ces jours d’avant, d’avoir donné à conspirer

Ainsi là-bas, dans ce qui ne fût pas dans ce monde-ci

Tu te serais décidée à calmer le mal et non l’absorber

Tu m’aurais dit des mots, tu ne m’aurais pas insulté

Tu ne m’aurais pas montré le dos, tu aurais éteint d’une étreinte

De ces traits dont tu étais maîtresse, tu aurais peint le monde plus exubérant et chaleureux

Dans la pâleur heureuse de renaître, tu n’aurais pas allumé

Cet écran comme un ultime feu de diversion

Tu n’aurais pas fait défiler un fil stupide et bruyant

Tu aurais démêlé la mort en moi, cet écran de fumée

Tu aurais banni tes anges cupides, ceux-là qui ici t’ont gardée pour eux

Tu aurais pris la nuit, nous en aurait revêtus comme d’un manteau protecteur

Mais tout cela ne fût pas poreux, et ce ne fût pas pour nous

Quand j’en vins à m’asseoir et te dire

Que cette histoire, dans cette vie, serait désormais vaporeuse

Mais va pour songer encore, dans ces nuits qui s’ouvrent sur ce souvenir

Qui se trouvent au cœur, comme éventrant le corps

Pour songer encore qu’un autre univers peut survenir

Quand bien même alors, il ne sut parvenir à mieux

Que nous regarder plonger au fond des cieux morts

Jean-Marie Loison-Mochon

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