Sur la griffe du port
A courir sur la griffe du port
L’allée de lueurs, la nuit comme ajourée
Obscurité pas tout à fait conjurée
Alors sur la griffe du port je rêvasse
Obscure idée, de se croire seul en ville :
Fort de sa petite hauteur, à se toiser les reflets
Le château regarde les quais qui s’animent
Qui s’avilissent d’un peu d’alcool ou se calment
Des services qui en finissent, des peuplades dont la clameur baisse
Des amis qui migrent vers un immeuble, une maison
Pour un dernier verre, dès avant le sur-suivant
Ou l’incertitude des amants, dans l’antépénultième instance
Des regards appuyés, théorème de l’horizon noirci à l’Ouest
Ou dans ces œillades que Brest accueille ; et que voir ici ?
Seul à courir sur la griffe du port, fêté par une pluie fine
A rêvasser je n’ai pas vu venir, jusqu’à se dépasser
Dans la rade cette passade qu’est une seconde, un croisement
Quand deux femmes me sont venues de front
A courir sur la griffe du port, l’appendice, l’avancée
Dans les flammèches embuées des petites lampes au sol, au ciel
Dans ce sans issue elles vont comme j’en suis venu
Se prenant sans véhémence à me surprendre, en tâtant du pavé
Me prouvant par là, dans des danses de foulées
Qu’il n’est pas de parages à Brest qui sous fumée ne puissent tinter
D’apparitions percutantes, des pas répétés de revenantes
Jean-Marie Loison-Mochon