Opulence et fureur
Dans un hôtel aux salles immenses
Il s’y dansa sûrement, des soirs des nuits
Dans un flot tel, de champagne sorti d’un puits
Mais l’incidence ici, se romance d’un matin
Une fureur telle, qui vous empoigne un monde
Ainsi : il n’est plus l’heure des lustres mais d’une lutte
Pincée ici de vain, mais bataille quand même
Pagaille insensée, à certains futile et vaine
A moi intense et rutilante et… belle
Immense hôtel dont la salle s’éveille et grouille
Dans la panse ici, on ne met pas de ratatouilles
Saragosse, à déjeuner mais pas petit
A gozar, de grossiers appétits
Une table étatsunienne, d’affaires et dossiers
A négocier du vent, à l’état de hyènes
Une table aux éclats d’une bouche, une seule
A broyer des aliments sans l’éclat des lustres
Un gros rabbin qui alimente en bruits, esseulé
Un babouin même élémentaire eut mangé mieux
Et humant l’air de pression, du personnel s’affaire
L’oppression fumante et fumeuse : opulence
Et puis l’on se laisse aller à exiger ou se plaindre
L’opulence fomente et paie tous les droits de geindre
On a le droit de jouir, à ces tables sans loi
Avec foi ou non, à déblatérer du paraître
Jusqu’à se servir de mille mets sans se dire : vraiment ?
Et puis s’attabler sans sévir, et disparaître
Et laisser la table écrasée d’assiettes pleines
C’est alors qu’entre une femme dans mes yeux
Dans les allées de tables, elle a cette…
Elle a cet élan brutal et obscène
Celui de se lever sous le cristal et prendre toute la scène
Elle prend au cou, l’assistance grouillante
A cette heure est-ce le verre ? Bouillante de haine
Et moi j’assiste en silence au tourbillon
Je lui vois ces veines à la main
Je la vois sévir pour les grouillots et hobos en haillons
Je la bois des yeux, je la sais vaine
Je le regarde abhorrer, dans une fureur élaborée
Tous, elle les laboure de sa colère
Elle est là, bout, puis rayonne argent
Elle est à tout retourner, dans sa fureur de cheveux noirs
Sa voix s’éraille on ne s’en étonne pas
Je la vis hier, elle avait de la pudeur
Je la vois ici, elle a de la ferveur
L’opulence oscille et la regarde faire du vent
Eux postillonnent ; elle ? Leur crache du sang
L’opulence la révulse, elle ne s’en cache plus
Moi je veux le revoir, ce feu qui pleut
Car il me plut, de la voir en fusion
Avant qu’il fût mis fin à son intrusion, de manière vive
Elle qui l’instant d’avant était convive
Jean-Marie Loison-Mochon
Crépuscule d’un cycle