Mille nuances de pâleur
Un soir à l’Ouest, avant toute histoire ou tout geste
Cap où ça nous chante, car on nage en nuit
D’anciens chantiers pour des courts
Danse un chant typique entre nous
Et moi qui ne suis pas danseur, mais cours
Et toi qui ne sais pas, dans ces moments
Si l’on se court après, si l’on séquence un plan
Je ne fais pas semblant
Si l’on sait quand, ce jeu perd de son goût
Mais je sais que, nous ne pouvons perdre à ce jeu
Je ne suis pas inconséquence, mais flou ?
Je nous sens du souffle et cent poumons
Alors inconsciemment sûrement : ce jeu flou
Mon sang soulève mes pensées
Je les dépense sciemment en regards, sur toi
Je te dépasse et tu me poursuis
Je te pare de ces regards, te suis à mon tour
Nous ne sommes plus passants mais à l’entrée d’un passage
Le vide appelle et la Penfeld darde
En violet rose ou vert, par cent lueurs artificielles
Telle est la ville n’ayant rien de féérique
Telle est la vie, là entre nous :
Avides en immatériel
Je ne te la vends pas, elle se brade
Elle ne vente pas trop ce soir, la rade
Alors on peut surseoir dehors encore
Avant d’éventer plus tard, le feu qui rode
Ou l’inventer plutôt, à rebourre des heures
Du vin, tes mains, ta peau : tôt ou tard n’est qu’une époque
Demain n’a rien de vain, mais le sable écope les heures
Car nous coulons en étreintes, vers le fond de la nuit
Nous découpons ces teintes, découvrons ces corps s’effleurant
Ces fleurons d’instants ne sont pas du genre à s’éteindre
Seulement à se teindre, en mille nuances de pâleur
Sans plus rien feindre sauf là, leurrant le temps
Par la pâleur caressante éparpillant la lune
A l’appel de la nuit qui brille en nous
Dans nos caresses éparses, pillant ces lacunes
Celles-là paraît-il, de la résistance déroutante
Et dans nos mains, l’écart se fait toujours plus mince
Se perd la notion des distances
A mesure que les lueurs distendent l’Ouest
Comme un vin ou une potion, un désir d’ivresse
Comme un soir à l’Ouest, où l’histoire est tout en gestes
Jean-Marie Loison-Mochon
Crépuscule d’un cycle