Le seul pardon
Les couloirs de tant d’heures
Les coursives d’innocence et candeur
Je replonge dans l’enfance du temps d’alors, d’une jeunesse non encore délavée
Des travées d’inconscient m’y ramènent souvent
Car les trouvailles d’un amour naissant : perdues
Dans les laves éculées : d’une errance s’écoulant
De mon sang à l’univers d’alors
L’humain se croit séculaire mais il est incurablement intemporel
A la tempe, l’oreille, l’attentisme et les latences, le vermeil de ce vin rouge
Cette lave-là que nous buvions, ce lac de magma où nous nous aimions
Je ne démentirais pas que tout nous aimantait
Jusqu’à la paternelle maternité, jusqu’à la petite patte héritée dans la mienne
Modelage du temps, que mon indécision déforma
La pâte tellurique était d’une âme et sa fille
Et le temps aussi décousu comme la vie les années
Ça file à l’allure stellaire de deux, trois astres s’étant dédits
Il est peu d’heures ainsi dans ma vie
De celles-là que je maudis d’avoir brûlé de cette torpeur
Incendie intérieur quand de glace, peut-être eussé-je su sauvegarder
Alors même qu’aucune ne cria, ne se plaignit
Aucun « de grâce » et moi aucune plénitude
Aucune classe, dans cette seule heure que je rangerais ici
Magmatique intoxiqué de ses propres vapeurs d’être
Dans l’abandon des temps anciens, alors que l’abondance me tendait la main
Rarement les humains se seront tout dit
Nous ne fîmes pas exception et je nous laissais taudis d’immatériel
Abasourdi moi-même par les canaux que ma perdition emprunta
Père d’un instant, perdant pour jusqu’au fin fond des âges
Et il n’est pas de pardon pour ceux-là qui brûlent
Les avenirs qui n’avaient même pas besoin de présage pour advenir
Addition de venins, de punitions en dedans administrées
Pour avoir refusé de jouer, pour avoir délaissé
On ne se dédit pas de la vie sans conséquence
On en est puni pour des années, non que l’on y pense mais qu’on les subisse
Homme sans dessein mauvais, face à ce que l’enfantin dessinait
Comme en essaims, les scories s’accumulent et pressurisent
Les plaies laissées sur ce qui était précieux :
Les parois dont la terre pouvait s’iriser
Homme sans pouvoir au présent, si tu as enfreint le don, les fruits du monde
L’enfer te restera ce long couloir où cheminer parmi ces ombres
De deux silhouettes, du temps d’une saison
Tu fus l’illusoire, tu brûlas tout d’abandon
Et de si loin tes laves te consument, crient ou hululent à toute heure
Car tu brisas ton innocence et la leur, vôtre
Pour cette inconséquence, l’éruption ne saurait cesser
De durer, durer
Car le seul pardon te sera celui de l’ultime cécité
Jean-Marie Loison-Mochon