Le sang des jours

Je regarde des fantômes interagir

Avec ma bêtise, mon intelligence, mes souvenirs

Des photos me scrutant, des instants figés

De ceux des plus beaux mouvements, de joie

Ces monuments de vie !

Je me sens moins humain face à ces écrans

Et je ne sens plus tant certaines mains humaines

Dont je pressens qu’elles s’enfuient, à raison dans ces mirages

Que crois-tu que nous soyons dans ces réseaux ?

Ce n’est certes pas la solitude que nous soignons

Et le seul soyeux dans tout ça, le seul joyau qui ne me semble pas mirage

Reste que nous nous allions en mots, voix et messages

Le reste n’est qu’une loi du talion : je prends du temps pour y être

Et ces lieux prennent du temps à mon être

Les seules fenêtres qui vaillent sont celles donnant sur l’autre

Mais tout autour du néant guette

Et de moins en moins j’en veux à celles, ceux, qui soudain disparaissent

Comme en quête d’un ailleurs, où se faire inaccessibles les remplit mieux

Que tout ce vide dont on est cible : qui décime nos liens, pire

Par empire des nuages ne sauvegardant que les satellites eux-mêmes

Et je me perdrais si tout à coup l’on me dépossédait du verbe aimer

Quand des processions de fils bien tissés recueillent tant de fois des professions

Atterrantes plus qu’athées, à te rendre atone car en permanence attaqué

Par d’impalpables sollicitations, qui sous l’excitation qu’elles suscitent : t’absorbent

Te sucent littéralement le sang des jours : le temps

Quand mieux vaudrait connecter d’une bise aux joues

D’une poignée de mains, même froide

Ou du théorème d’une étreinte, qui toujours revêtira davantage de chaleur

Même au travers de vêtements, que cette véhémence permanente contre l’attention

Même si je pactise et continuerai, car certains lointains d’affections le valent

Mais j’attiserai chaque jour mon refus malgré tout

Car je ne peux avaler ces couleuvres qu’en me dessinant les couleurs

D’un rire, de partages, d’amitiés, de désirs

De formes à l’amour que jamais ces plateformes et canaux ne pourront répliquer

Jean-Marie Loison-Mochon

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