Le grand-père, deux verres de vin et son petit-fils
Dans un bar à vin dit réputé,
Je me mets au vert, des citadins.
Mais… Légende urbaine, à réfuter.
Pas aubaine, plutôt traquenard :
Quatre blancs, quatre rouges, le choix !
De partir, serait raison. Trop tard…
Les cépages français en Hongrie…
Pas à la page du goût, du prix.
Le Sauvignon a pignon sur rue,
A faire pigner, leur dit Grand-cru.
Terrasse à l’angle, qui pique au nez.
Pas l’as des bouges, capitonné.
Halte à la piquette, sauve qui…
Quoique ? Cette tablée, qui sourit !
Je veux du hongrois, on s’empresse de me dire « oui oui, nous avons ! ». Ah ! « Tenez, voilà, du Bordeaux, du Sauvignon, … ? ». Tout dépend de ce que l’on entend par « hongrois ».
L’ogre ira se chercher du sang de taureau à un autre comptoir. Mais avant, cette tablée vient de piquer ma curiosité.
Un homme de 75 ans, l’œil vif autant que ses cheveux sont gris, vient de s’asseoir avec son petit-fils. Le vieux commande pour les deux.
Le jeune doit avoir quelque chose comme une vingtaine. Grêle, étriqué dans sa chemise à petits carreaux, il a la carrure un peu voûtée. Renfrogné dans sa timidité, ou dans son désintérêt errant, pour ne pas dire : sa lassitude de lui-même.
De son air un peu d’ailleurs, un peu lunaire, il trempe ses lèvres dans un verre de blanc, qui a presque la couleur de l’eau. Son aïeul lui demande ce qu’il en pense. Pas de réponse autre qu’un léger sourire, que le vieux lui rend. En silence, ils se mettent alors à regarder le passage sur la rue.
J’aurais aimé en avoir, de ces moments simples, en d’autres temps. Et nous aurions même eu des choses à nous dire, du tutélaire à l’indocile, de têtu à têtu, d’homme à homme.
« J’aurais aimé », oui ! Ces « je veux » avec tout ce qu’ils ont d’impossible.
Jean-Marie Loison-Mochon
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