Le culte commun
C’est une terre récente et ancienne
Je te l’écrivis hier, que j’irais
Intéressante prédiction ? non de la faire tienne
Mais t’en décrire la vitalité ici
De ce là-bas, qu’à ces heures-là j’aime fréquenter
Une mauvaise version de moi eut dit m’y faire hanter
Par une présence soudaine, une autre, mais je suis candeur
Quand dore l’horizon avant l’argent de lune
Qui elle était présente déjà, à l’aile de l’île
Dans ce ciel en transparence, du blême au blanc
Mes mots blottis dans l’élan de mes pas
Blanchis de poussière, d’étoile en satellite j’ai cheminé
D’un feu intérieur, du soleil au crépitement sous nuit
Et j’aimerais t’en faire récit, par ses éphémères habitants
De ceux-ci connectant leurs lignes aux réseaux de l’eau
Nichés, groupés, pire que des oiseaux, mis au bout de leurs cannes
Dans des arcanes de récifs, de rochers s’espérant une pêche
A nulle autre pareille, j’ai préféré la vue de ces deux-là qui couvaient le soleil
Du regard au son des couverts, au claquement d’une nappe improvisée
Ou pour des provisions de tendresse, une âme en étreignant une autre
Comme mes mots, blottie, dans le recoin d’une crique et deux bras
Resserrement des vagues, calme étreinte sous des rayons clinquants
Qu’à la courbure d’une côte, une profusion de petits groupes veille aussi
T’étonnerais-tu, toi, de voir s’éveiller un même instinct ?
Tous s’asseyaient au long des kilomètres, aucun encore à satiété
Assis sur des murets, des replats de roche, de sable frais
Aucun encore à satiété de lumière, dans l’air d’un soir d’avril
Comme si un frisson d’immobilité avait émis depuis l’horizon
Façon qu’a le jour de faire son spectacle, de petite mort
De petites mains m’encourageaient à poursuivre ma course du crépuscule
En ces deux petits mots, d’un bonne chance à la volée
Peut-être ce garçonnet m’a-t-il cru capable de faire battre mes veines tant
Que j’en aurais su raccrocher le wagon des nuages impalpables
Mais ma sueur était vaine et je le savais, ne crois pas
Que ma vanité irait à poursuivre ces envolées-là
Je n’ai eu que celle de m’arrêter, repartir, regarder
Contempler comme tous ceux-là sous notre temple à ciel ouvert
Sous ce même instinct qui nous battait aux tempes, de cultiver des yeux
L’endormissement du jour, le réveil du nocturne, alentour ou en nous
Note unanime au sillon entre ciel et mer, où l’île était
A étayer un dernier écho de terre, dans le chant du soir
Comme si tous ceux-là et moi compris, étions à nourrir un culte au soleil
A s’essayer chacun, de capter une particule de sens
A être ici ensemble, assis, courant, debout, sous l’âtre
Entre jour et crépuscule, hypnotisés par l’attrait d’une même danse
Jean-Marie Loison-Mochon