Fragment 86 – Le Cerro
Démuni tout à coup, quels à-coups n’ai-je pas vus venir ?
Raturé je me punis, à compter les vides
As-tu réalisé que je te voulais pourtant ?
Pour tendre à la vie des mains de violentes joies
En réalité j’aurais comme perdu le volant de ma course
Attendre ou aller, avide ou calmé, démons de non-sens
Une aura dans ta voix me somme de céder, armé des montres du noir
Nous cheminons au Cerro, dans l’automne Bariloche
Oratoire ou sommet de toi, sur l’océan des hauteurs s’éparpillant
Innombrables hommages à tes couleurs, tes rougeurs profondes et léchées
Rôdant autour je ne suis plus maître, éraillé dans ce détour brillant
Le Cerro culmine dans cette journée, et quelques autres jours. Nous en descendons, tu me cours après, ton souffle te permettrait de me suivre à désir. Nous montions, moi qui étais essoufflé d’esprit et non de corps, je t’ai sentie me relever. Sur ces pentes j’ai pris le pli de ton accent, de ton français parfait. Raturé je me déplie, la page aurait le droit de se défroisser. Je me suis perdu dans ce voyage, dérouté par une lenteur que j’ai faite inertie. Tu tombes ici comme d’une hauteur de providence, sans poids aucun sur mes manques ou mes excès, mes quêtes délirantes. Tu m’écoutes, je t’écoute, nous nous arpentons dans les livres enivrants des Andes. Les origines et la langue, ton passé à un bras devenu rigide, moi quelques mots sur mon angine de désir. Le jour agence ses lueurs sur nous, sûr de toi il t’essaime dans mes pensées comme de petites dagues argentées, accrochées. Je pourrais les saisir, trancher mes jeux de sucre, d’effort, de refus du monde, de désir voyageur s’étant perdu. Voyageur s’étant interdit de désirer. Je pourrais poursuivre mon mouvement des Andes, en dévalant ces remous, en en façonnant une vague de nous. Et non, de sucre et d’attente, d’encre et de stupide, je reste droit dans mes bottes : dans mes bêtises. En voyage il est dommage d’importer trop de principes. On devrait s’emporter soi, déjà. Tu voyages en moi, je ne te suis pas. Ta voix et tous les paysages que nous esquissons me disent pourtant de te suivre. Je reste à quai au lac, autant dire laquais de je ne sais quoi mais surtout pas du désir. Je suis pâle et tu me redorerais. Je n’ai pas la présence d’esprit, alors que je ne suis qu’esprit, la présence d’esprit d’agir et d’être physique. Le Cerro nous ramène à l’aide d’une camionnette, sa remorque rappelle que l’honnête fait du mal aux transports. Remarque pour soi. Toi tu pars demain : je reste. Nos mains ne se sont parlées que de trop loin. Car je n’ai pas su écouter mon désir, qui n’en boude que davantage. Et ces bouts de toi s’en vont. Je n’ai pas su suivre ta voix.
Démuni tout à coup, quels à-coups n’ai-je pas vus venir ?
Raturé je me punis, à compter les vides
As-tu réalisé que je te voulais pourtant ?
Pour tendre à la vie des mains de violentes joies
En réalité j’aurais comme perdu le volant de ma course
Attendre ou aller, avide ou calmé, démons de non-sens
Une aura dans ta voix me somme de céder, armé des montres du noir
Nous cheminons au Cerro, dans l’automne Bariloche
Oratoire ou sommet de toi, sur l’océan des hauteurs s’éparpillant
Innombrables hommages à tes couleurs, tes rougeurs profondes et léchées
Rôdant autour je ne suis plus maître, éraillé dans ce détour brillant