Fragment 80 – Excroissance intérieure
Dessus des tréteaux, tes plantes te demandent
Repaire sans lumière à la nuit, mère, elles te demandent
A l’envers de ses tendresses, léger j’alunis
Pères vous vous êtes perdus, dans l’ivresse du grand sommeil
Envers en Grèce, en droit d’être un lion déchu
Alléché par ta chair, allégé de mes fers : étreintes
Une mer héberge la lune, puis sur ses berges on rode
Nous plantons une nuit, bouture en réponse à la tristesse
Où l’Egée s’unit à nous, le Rhône fait des coutures hors pair
Intention sur ton corps, épongeant de l’aube les promesses
Remets ce drap sur nous, et plongeons les rejoindre en terre
Je te regarde entrer dans cette chambre, comme d’une première fois. Il fait juin, il fait nuit, il fleure la tiédeur : tes plantes te demandent. Sur les tréteaux tu leur es mère. Emerveillé du leurre à la mort, j’admire ton simple désir de vie. Tu m’emmènes par la main, tu veux que ce repaire nous mette à nu, qu’il nous mène à nous. N’est-il pas trop tôt ? On s’amante comme d’une greffe tentée. Tout est féminin dans cette pièce, les plantes, la vie, ta vie, la lueur de là-haut, elle là-haut dont la lueur naît. Il manque un masculin peut-être, mais moi je ne suis qu’une vasque humaine. Encore au féminin. Lave le sel de tes jours dans mes eaux vulnérables, abreuve-moi de ton sel féminin. Ces parcelles de toi me sont précieuses. Le petit pré sur tréteaux se nourrit de nos lueurs. Mon sang rassis ne les gêne pas, tes plantes nous autorisent à nous enraciner l’un dans l’autre, de lenteurs et d’eaux troubles. A la surface de l’eau tremble un reflet, la lune en est secouée mais sereine, reine des mers, égérie du désir. De jour en jour, elle sait qu’un éclat ça se perd, ça se retrouve. Elle te sait couvée du père. La perte éprouve et toi tu prouves aux persiennes que l’amour, en toi grandira toujours. Tu le brandiras comme une croissance lumineuse, excroissance intérieure. Ce croissant nourrira tes gestes, quel que soit le quartier de tes émotions. La vie peut châtier car la mort désire. Des îles nous sommes, par glissement de nos continents. Gisements d’ondes inexploitées. On dîne en sirène, d’une nuit à l’autre on s’y rêve encore homme, encore femme. En corps enracinés à l’amour on vibrera : le sol est éphémère. Déperdition de temps, des mères le déplorent, des filles les pleurent. D’éclore la plante fait archipel, des fils de fleurs naîtront d’elle, éclosion d’un plaisir, d’un vol consenti. Des corps se repèrent, s’amantent, se reposent. Comme par-dessus l’Europe un vol d’hirondelles. Que veulent dire les ombres de nos étoiles, sinon qu’à nos îles elles sont repères ?
Dessus des tréteaux, tes plantes te demandent
Repaire sans lumière à la nuit, mère, elles te demandent
A l’envers de ses tendresses, léger j’alunis
Pères vous vous êtes perdus, dans l’ivresse du grand sommeil
Envers en Grèce, en droit d’être un lion déchu
Alléché par ta chair, allégé de mes fers : étreintes
Une mer héberge la lune, puis sur ses berges on rode
Nous plantons une nuit, bouture en réponse à la tristesse
Où l’Egée s’unit à nous, le Rhône fait des coutures hors pair
Intention sur ton corps, épongeant de l’aube les promesses
Remets ce drap sur nous, et plongeons les rejoindre en terre