A l'anarchie du désir

Fragment 59 – Nos ombres et l’agora

De la violence s’il vous plaît

Rio d’errance sous des plaies invisibles

Auprès de l’invisible il est parti

Pendant qu’au pré j’ai laissé la colline s’affaisser

En colères de l’invincible vie nous nous froissons

A en densifier la Nuit, d’intolérance nous frémissons

Une moisson d’animalité dans ton lit de Thessalie

 

Nous ne nous salissons de rien, à l’unisson de nos néants

Onde bienfaisante dont nous nous parcourons

Instables en tout, sous la Nuit l’on fissure ce qui déjà était béant

Réanimant l’invisible et la perte, qu’on presse contre ce mur vulnérable.

 

Il doit être une heure ou deux près de l’ancienne agora. Les quais, ton français, ton sourire, le « s » du grec à la place des « ch », l’après-midi. Il a fait un soleil de plomb, de quoi fêter juin les jambes ballantes au-dessus de l’Egée. Puis le soir et le banc et ces baisers. Cela fait quelques heures et je t’entends encore rire de nervosité, d’excitation, c’est-à-dire de l’inhabituel. Peut-être bien que ces rires me resteront. Ils me flattent, au fond, ils me gonflent, éclatant ensuite comme de petites bulles de joie. Après tes mois dans les camps de l’Est, après ton père, ces marqueurs dans ton temps, tu as eu envie de rire et en as fait de moi l’outil. Il doit être une heure ou deux près de l’ancienne agora, tu viens de m’écrire que ta soirée est maintenant libre. La nuit, tu veux dire. Je suis sorti de mon lit comme une rivière, mon cours s’électrise afin de me faire errer maintenant par les rues. Je suis un courant qui se dirige vers toi. Dans ces rues qui dominent la ville je te retrouve chez toi, ce petit endroit que tu partages avec une amie. Elle n’est pas là. Ça aurait pu. Nous nous retrouvons mais ces retrouvailles d’après seulement quelques heures ne sont déjà plus tout à fait de nous. Elles sont avant tout de nos ombres, qui se dressent dans le tapis de la Nuit. La tienne sort de l’encre à ton ventre, la mienne de telle mort, telle perte, telle porte ou tel puits, comme je prends l’habitude de le dire. Maintenant il est l’instant de la rupture avec l’avant. Nos ombres se saisissent et de tes rires naissent un genre de folie, celle de la tristesse convertie en vulnérable. Nos ombres se saisissent, s’agrippent. Une lutte brutale, des pertes, des morts, des vagues, déperdition de pâleur pour la Lune qui colle le visage de ton ombre à la Nuit, aux draps, au mur et moi à ta peau, à toi. Ma main, à ton ventre d’encre.

 

De la violence s’il vous plaît

Rio d’errance sous des plaies invisibles

Auprès de l’invisible il est parti

Pendant qu’au pré j’ai laissé la colline s’affaisser

En colères de l’invincible vie nous nous froissons

A en densifier la Nuit, d’intolérance nous frémissons

Une moisson d’animalité dans ton lit de Thessalie

 

Nous ne nous salissons de rien, à l’unisson de nos néants

Onde bienfaisante dont nous nous parcourons

Instables en tout, sous la Nuit l’on fissure ce qui déjà était béant

Réanimant l’invisible et la perte, qu’on presse contre ce mur vulnérable.

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