A feu et à sang - Jean-Marie Loison-Mochon

Fin d’court-métrage

Un putain d’court-métrage

Au premier soir sans nuages

Comme en dernière page d’l’histoire

Début sous l’argent, lunaire en chev’lure

Dernier soir rageant, lacunaire et si pur

Damier sans cesse, c’t’histoire

Blanc noir, blanc noir, liesse

Noir blanc, noir j’encaisse

Damier sans cesse, c’t’histoire !

Donne-moi ! mais non

Donne-toi ! voyons

Détonnant damier : brouillon

Adonne-toi j’prends

Redonne-m’en, pourquoi ?

Du premier au dernier, pour toi

Pour toi sur c’putain d’damier

J’ai donné, lutté, chuté, relevé

Et sonné ! Tu t’es mutée, enlevée

A la voix du V à tes jambes

Au duvet au bout d’mes doigts

Tu boudes mais m’veux

Moi du coup j’peux

Et on couche tant

Et j’me cache tendre

Et j’me couche tant

Tâchant d’t’attendre

Et ta tendresse vient

Mais la messe s’ra dite demain

Mais c’est quoi c’paradigme, hein ?

A tes quais on s’arrime

Puis à froid tu r’d’viens énigme

Et on s’chauffe encore, cent fois

Nos corps s’échaudent le sang froid

J’échafaude cent moi pour t’plaire

En chat noir j’rode en toi c’t’hiver

C’soir est ode comme odieux

C’soir on est beaux comme des dieux

C’soir on s’ébroue touchant les cieux

A la louche on biaise une baise sous nuit

Puis c’baiser embrasera les minuits

Et ton minois n’ment pas

Et ta mine d’avant non plus

A minuit sous kétamine ?

En moi dis, qu’est-ce qui t’ranime ?

A minuit sous kétamine ?

En nous dis, qu’est-ce qui t’anime ?

Tout non-dit est crime

Et j’te l’écris même sans amertume

Tout non-dit exprime

Et tu m’inondes à tes cimes

A feu et à sang, j’décris mes sens

A feu et à sang, dans c’t’anémie

En nous dis, qu’est-ce qui t’anime ?

J’encaisse c’qu’il faut, tu prends c’qu’y t’faut

J’encaisse de trop, tu m’prends à défaut

J’me sens taureau dans l’arène, en sang

J’me sens tout roi et toi reine, en feu

A feu et à sang, de lave à cendre

A feu et à sang, de cendre à lave

Et t’avale le feu, j’dévale le sang

On cavale comme ça, imparables

Comme en cavale on s’sent, inarrêtables

Mais l’sang est étape à la fable

Comme l’feu qui nous attrape et la fabrique

J’trempe ma nuit dans nos cent rythmiques

J’trompe ta fuite dans ce sang cyclique

J’étais crépuscule et magnifique

Vers toi j’me sentais majuscule, tellurique

J’étais crépuscule, tu m’as piqué

Sur toi j’suis majuscule et appliqué

Trop appliqué car tu m’fais basculer

D’jà trop piqué car tu m’fais vaciller

A la vasque on va saigner

A ta vasque j’vais m’signer

A la hâte on va s’saigner

A ta vasque y m’reste plus qu’à prier

Qu’après hier n’vienne pas demain

J’mets ces prières au bout d’tes seins

J’me suis pris au bout d’nos sens

J’me suis fait prendre sans pouvoir donner

J’me suis adonné sans te voir rendre

Te voir enduite de lâcher-prise

Alors j’suis pas fâché mais pris

En toi ça lâche et j’connais le prix

D’jà trop piqué tu m’fais vaciller

Bientôt plus d’tropique mais en pensées

Un marteau-piqueur d’enfoncé

Tôt ou tard j’partirai

Mais d’toi j’veux pas m’retirer

Tôt ou tard tu partiras

De toi, qu’est-c’que j’peux r’tenir ?

Que tôt ou tard tu partirais

Que tout en toi, m’attirait

Que tout en moi, s’étirait

Que tôt ou tard tu t’tirerais

Et que moi j’le sentirais

Et sans tirade, c’que j’vois

C’est ton dos qu’j’irradie

Quand tes doutes nous radieront

Que tes doutes me raidirent

Et j’aim’rais dire que nous, tout d’même

Aurait mérité d’dév’lopper son théorème

Si t’as dans l’sang ces instants, citadine

C’est qu’tu sais c’qui s’abime

Et si tout cesse, c’soir ultime

J’sais qu’tu sais, c’qu’on abime

Mais j’te laisserai t’en aller

Car j’connais ces sonorités-là

Car j’ai commis les mêmes absurdités

Quand d’autres sororités, j’me séparai

En doutes et « je n’sais pas »

Je n’saurai pas parer alors doute

Je n’saurai pas parer à ton dos

Alors en avant toute, dans c’dernier flot

A feu et à sang, de toi enduit

A feu et en sang, de moi enduite

En nuit tout a changé, piqué

Et l’crépuscule tu m’l’as piqué

Tu m’l’as parfaitement répliqué

Sur toi j’suis majuscule, amant tendre

Le feu coagule, à t’entendre

Mais l’jeu culmine, pour r’descendre

Et je fulmine, de lave et d’cendres

On s’accule mine de rien

En nous coule un minuit, diluvien

L’désir s’accumule : nous tient

L’plaisir s’coue, émulsionne : on l’tient

Mais c’coup-là contusionnera

C’coup-là pourtant on en fusionna

C’coup au large et sauvage et sous vague

C’coup a l’art j’crois, d’nous faire divaguer

Dis voir alors, pourquoi s’envoie-t-on vaquer ?

Si tes bas en tombent, qu’l’on vogue ici sans voix

A feu et à sang, nos voieries

A feu et à sang, tu m’vois rire

Et tu m’sens, et j’te sens, prête à jouir

Si t’es prête à jouer, pourquoi demain ?

N’plus rien partager, à toi j’le d’mande

A feu et à sang, ne plus qu’patauger

A feu et à sang, j’cherche le pathogène

Penché là au-dessus d’tes fesses

Penchée là au-dessous d’nos liesses

Rien à d’viner on a flanché

Rien à d’viner demain fauchera

A feu et à sang y faut charger

Mais dans ton sang, j’veux diviner

Car d’mon sang tu vas t’aviner

J’veux diviner du sens dans ton sang

En chat noir j’aurai dix vies mais

Mais j’veux faire divination

J’veux voir c’feu dans la divine action

En chat noir j’aurai dix vies mais

Mais j’veux diviner du sens

J’veux dev’nir l’essence sur ton dos

Demain l’morose charg’ra

D’main la mort os’ra nous prendre

Comme un taureau j’ose encore

Rien n’est tout rose mais ton sang si

Tu m’étais touchante et si sensible

Et moi taureau, j’suis plus qu’une cible

Envoie la pique et j’m’appliquerai

A m’expliquer l’à-pic après ce soir

Oui j’m’appliquerai dans l’à-pic

A t’appliquer cette dernière lave

Avant qu’demain pique et m’délave

Car d’là viendra l’antique cadavre

D’la viande tantrique qui git sans havre

D’l’avion critique qui gite en hâte

D’là vient c’putain d’cantique qui m’navre

D’là vient l’antique nervure qui meurt

J’sens bien l’à-pic et l’vide, plein d’sang

J’me plaindrai pas, j’ai la vie dure

En toi j’dure en mâle

En moi tu r’mues la pique

J’remue l’aqueux d’ton sang

Tu r’mets la pique dans l’feu

J’ai l’remous vitreux, en grand

Tu m’démets sur grand écran

On brillait, sur toi brindille

J’plierai sous ta banderille

A feu et à sang, tu m’étais brin d’île

A feu et à sang, l’désir brandi

Orion chasseur des îles j’me croyais

Or non l’arc c’est toi qui l’bandais

J’suis la cible et j’gambadais

Toi, l’incompréhensible débandade

A feu et à sang, l’désir brandi

A feu et à sang, j’abonde ici en encre

Car ici on entre en nuit comme à l’écran

Car ici tu m’éventres un rouage

Car ici tu t’éventes et j’enrage

A feu et à sang !

Fin d’court-métrage

 

Jean-Marie Loison-Mochon

Crépuscule d’un cycle

S’abonner
Notification pour
0 Commentaires
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires