A mon âge
A mon âge tu l’étais, presque
Oui oui, toujours cette rage à se comparer
A mon âge qui étais-tu ?
Deux fois juin te fêtera, compadre
Non pas de ça ! « je ne suis pas ton ami »
Enfant, ça tu me l’as dit
Tu me l’as donné à dire aujourd’hui
L’enfance a la mémoire mal ordonnée
Mais l’enfance et la vie, ces ors donnés
Te considèrent
Te considèrent, compagnon
A défaut de compadre ou ami
Mêlée de temps, démêlant trente et un ans
Ce temps me sidère : à mon âge qui étais-tu ?
Mon élan tu l’as fait, et l’as fait trébucher
Mon élan s’est repris
Sous l’influence de tes reflets, reprisé
C’est le fait du prince, mais je reste petit
Sous influx je danse, à la main de l’ivresse
Sans influx je pense, alarmant et sans finesse :
D’une tristesse d’inertie, que je fuis par l’ivresse
Un feu est un cycle, à ta main j’étais tricycle
Un flou d’étincelles, qui se lisent ou qui s’enlisent
Je ne m’ankylose plus d’être lu ou pas
Le fou de Palude je ne veux pas l’être
Mais j’ai de l’être à faire lire, des phrases à faire dire
Je m’affaire à verdir, sous tes échos qui perdurent
A mon âge quelle phase étais-tu
Dur ou sans repère ? Doux, blasé, amer ?
A mon âge qui étais-tu ?
Un feu est un cycle, en bicyclette nous allons
A l’ombre de l’âge, abrasion du temps
Nous allons, brassant des silences et du sens
Nos cycles vont s’embrassant, au travers du temps
Sangs lacés : tu m’appris les lacets
Tu m’as donné la primeur du feu
Je m’adonne à cette heure, à me demander :
A mon âge qui étais-tu ?
Rage ou quiétude ? Compadre ou solitaire ?
Solidaire de tous mes cycles, distant ou veillant
Sous hiver ou sous juillet je me bouscule
Distendu d’inquiétude ou à la page de mes jours
Quotidien à l’étude, à l’Ouest
Un corps qui tient les rudes zestes d’encre
A la page de mes jours je me demande :
A mon âge qui étais-tu ?
Je n’étais pas, pas mais presque
A jouer à ta main, dans des fresques de premiers pas
Enfant de janvier, j’ai écrit mon propre Juillet
J’en viens à penser que la Providence fait de ces vrilles
Juillet j’y parle de filles et de vie,
D’amis et de feux qui brillent
Juillet tu l’es, à moi un fil de vie
Ce mois te célèbre et le bruit court, compagnon
Qu’en ce cycle qui s’ouvre, dans ces feux qui bruissent
Dans ces bascules que je découvre, ces couvertures de crépuscule…
Qu’en ce cycle qui s’ouvre, qui sait ?
Compagnon, tu pourrais encore m’être repère ou fanion
Car à mon âge tu l’étais, père
Jean-Marie Loison-Mochon
Crépuscule d’un cycle