La route des Andes
Par les Andes toi et moi sommes allés
Pas ensemble ou pas partout, mais c’en serait tout comme ?
Dans ce boucan que les hauteurs font aux yeux
Au temps, les souvenirs et les mots sont flotteurs, des doubles
Et des Andes, à part celles de ce Cerro que nous eûmes
En moi je peux te dire ce qui en fume, presque fauteur de trouble
A mes peurs, j’entends ; je n’ai pas attendu qu’elles me soumettent
Quelques sous en poche, jeune je suis parti émettre là-bas
Je n’avais pas la répartie, pas le langage
Avec ça toujours je me suis cru trop vieux pour être digne, d’engager un chemin
A vingt ans et des poussières, je me croyais trop vieux, poussière partie pourtant
Et sur ces routes je me suis senti moins encagé
Mieux même, sans plus emmener mes angoisses et doutes
De moi-même, les étrenner dans ces altitudes impossibles
Car, toujours je crois, j’ai senti qu’un possible m’attendait
Ou plutôt me tendait les bras, et j’ai étourdi ma pensée par du mouvement
J’ai toussé un peu de magie, presqu’à dire de la poussière d’étoile
A flirter sur ces routes sinueuses, avec la liberté
L’aliment des plus désirés, que personne au reste ne peut, ne doit atteindre
Puisqu’un homme libre est un homme mort, je suis parti vivre sur ces lignes
Dont j’aimai l’émotion terrible qui m’en naissait
Como amanecer, oui, comme d’être cible de l’existence même
A se dire que la route était immense et pas encore dessinée aux yeux
Et toutes ces montagnes, excitantes
Comme quelque chose qui environne mais qu’on ne touchera jamais
Qu’à la bouche des regards on effleure du kilomètre suivant
Je revois cette image, ces quelques mois, quelque temps
Et rarement je me suis senti intense et profond comme alors
Comme à l’orée de mains amoureuses ou de celle qui l’écrit
Puissamment pris, emporté par le mouvement du monde en ces vallées et gouffres
Dans le dénuement, des nuages de poussière, et dénué de souffrance
Comme couvant ce sens raconté par tant mais qu’alors je vécus
Que dans ces Andes, le sens était la route
Et que la route n’avait pas d’autre sens
Que ressentir sous avancées
Jean-Marie Loison-Mochon