J’dirai à mes montagnes
Maint’nant qu’tout finit
Qu’tout l’feu s’inhibe en silence
Qu’aphone et absent, le sang s’veut plu’ froid
Qu’la faune des sens est blanche comme neige
Sur une page d’encre où errerais-je sinon ?
Page qui red’vient blanche,
Aphone et absente
A feu et à sang, j’peux m’finir
Aphone et absent, j’peux plus que m’finir
J’confine ici le feu et l’sang
Comme aux confins d’une étreinte
Un abrazo et pas une plainte
Car toute quinte d’encre doit finir
Comme une griffe incante, à feu à sang
Comme une patte féline, un conte
Griffe ensanglantée ou cantatrice
En chat noir sous la grande actrice
A la lune alors, enchanter la fin
A la lune alors, en chanter la fin
A feu et à sang, dans l’abrasion du temps
A feu et à sang j’peux m’souv’nir
J’peux m’soutirer un rêve, une vision
Sous-terrain sans trêve : les mots, les rêves
Et j’peux te r’voir à contre-jour
Le feu du soir dans ton dos, bascule
J’te distingue pas, dans l’crépuscule
Tout c’que m’dit c’instant c’est : le Pas
Au Pas de la Miséricorde
Palabre et gros mot, pas un arbre
Le feu du soir dans ton dos, et l’Vercors
Toi dans la gloire du contre-jour, à faire corps
A faire corps avec la joie sauvage, en Chartreuse
A feu et à sang c’est une image
Et j’t’imagine en mes montagnes encore
J’t’imagine en joie
En moi il se machine de ces feux
Mon inconscient est une machine
Il a ses jeux et m’fait t’y voir
Y t’fête de soir en soir, de cabane en refuge
Moi c’est pas qu’j’le refuse mais
Mais il m’use, son feu, aphone et absent
Car dans c’soir j’te revois musarder
Oui là au Pas d’la Miséricorde et…
Quelle étrange cordée, le crépuscule et toi
Quel étrange corps d’ombre, ma Chartreuse et toi
Qu’c’est étrange, le Vercors en fond
Etrange cordon, ombilic des limbes
Ombilic d’une fin
Fin brève, annoncée, qui rapplique
A feu et à sang j’m’adoucis pas
Et tu rétrécis pas dans c’soir
Tu fais qu’grossir dans ma pensée
Et mes traits d’encre aussi
Pour imploser
A feu et à sang
J’nous expose et ça t’blesse ?
A feu et à sang, pourquoi ?
Le sexe confessionnal
Le sexe confectionna la fin
Le sexe et l’abrasion
L’silex de un abrazo, aussi
Le sexe confectionne sans feinte
Aux sexes, à nos confins
A feu, à sang, j’résonne
Et mon inconscient m’en r’donne
De c’t’image intemporelle de toi
A la tempe, l’oreille : que toi
J’n’ai pas tendu les rayons
Dans c’t’image de toi en montagne
J’sais qu’j’image en flous
Mais dans c’t’image toi aussi tu sais
Toi aussi t’es contre-jour
Tu m’racontes un sourire à tes joues
J’m’attache aux soupirs, à tes joies
Et ma tâche d’encre te voit montagne
Montagneuse au crépuscule
A feu et à sang tu m’auras bousculé
A feu et à sang, batailleuse un soir d’hiver
Et dans ces bataillons du soir j’peux t’voir
J’ai peu d’voix, j’le chant’rai pas
Mais j’peux t’voir au Pas, dit d’la Miséricorde
Moi j’dis d’la misère, le corps à feu et à sang
J’te vois l’Isère en fond
J’te vois le contre-jour qui t’voile
A feu et à sang, la voile au loin
A feu et à sang, voile au loin déjà
J’te r’vois à l’image
Au soir à Hurtières ou Jusson
Une cabane dans son jus, Hurtières ou Jusson
Plus qu’à boire des verres et lire un livre d’or
Livre à feu et à sang, d’alcool et d’nuits froides
Y lire le feu d’mots paillards
T’imaginer dormir sur paillasse
Imaginer tes ch’veux, faire orpaillage
Y faire un pillage d’argent, les t’nir
Et m’dire soudain qu’c’est pas moi
D’accord alors si l’flou s’étire :
Rev’nir à l’image de toi dans l’soir
Y v’nir et rev’nir comme le jour dans ton dos
Y v’nir et rev’nir comme la nuit en moi
Y v’nir et te t’nir, dans mes yeux las
A feu et à sang mais là, aphone et absent
A feu et à sang, lassé d’me répéter
A feu et à sang quand même, putain d’théorème
Putain ! D’se voir encore théorème
T’es au rythme d’mon encre
S’décevoir, de s’voir moins
De t’voir que dans c’soir d’hiver
A feu et à sang, heure crépusculaire
Et la Sure à ta gauche
La Sure qui faillit m’donner la Certaine
Qui faillit deux fois m’donner la Certitude
La grande certitude de la Mort
Et l’Vercors au loin qui m’regardait
Le Vercors me r’gardait m’enfoncer
Dans ces ch’minées, à feu à sang
Le Vercors comme y t’reluquait c’soir d’hiver
Ton dos dans la fin d’jour, à feu
Et moi dans ces ch’minées, à sang d’la vie
Là dans l’sentier ascensionnel
A feu et à sang, j’nous r’vois sensuels
Aphone et absente, j’te revois aussi sans
Sans l’sens tu erres, j’ai qu’une image
La Sure pas loin, la fin certaine
La fin m’serre la tête, moins l’encre
La fin d’jour t’enserrait sur c’t’image
Au Pas d’la Miséricorde
Où là j’nous aurais misé mieux
Un soir d’hiver j’nous voyais corps d’ombre
Soir d’hiver, cordée en rien voyeuriste
Je vois l’rictus du jour sur l’image
A contre il me tisse une ombre : c’est toi
Tu m’es tissu d’ombre : oui toi
A feu et à sang
Aphone et absente
Tu m’as tissé un carcan cont’nu
Or moi j’suis d’ces reliefs qui t’ont ému
Ces soirs d’hiver et ceux à v’nir
Pas d’balivernes, j’suis l’Inconstance
J’suis une caverne, allégorie
Mais j’suis allégresse aussi
J’suis le pic et l’à-pic
Toi tu t’appliques, aphone
Moi ça m’pique, à feu et à sang
Aphone et absente, j’te r’vois c’soir au Pas
J’te reverrai pas, p’t-être
J’te r’vois juste à cette fenêtre alors
Celle où l’jour me défenestre ton ombre
Rien de funeste ou d’sombre ici
Je r’vois ton ombre en montagne
J’te r’vois au Pas d’la Miséricorde
J’m’en fais repas mais c’est vide
Alors j’en r’pars pas repu
Comme j’repartis c’matin d’étreinte
J’en r’partis pas repu et
Et ma répartie s’essouffle…
Car t’es r’partie en montagne
T’es r’partie dans mes montagnes
Celles qui s’décrivent comme moi :
C’lui qui écrit, dérive en mille reliefs
J’ai mis l’relief sur l’sexe, à feu et à sang
Mais surtout sur toi, aphone et absente
Flore et faune de montagne
Tu les effleur’ras dans l’Blanc
Dans l’Blanc d’une page, d’une neige
Et n’doute pas j’te l’dis
Qu’si tes doutes parlèrent, un dimanche ou lundi
Dans d’ces jours indignes qui font que j’m’épanche
Dis-toi qu’ces montagnes que tu goûtes
Qui gouttent d’effort, à feu et à sang
J’leur ressemble fort
Tu les ressens, tu m’sens plu’
Mais j’leur ressemble fort pourtant
Pour tant d’inconstance au relief
Si j’te r’lis, tu m’as vu qu’en creux
Comme une relique, un terne ou famélique
Alors intériorise plutôt, à feu et à sang
Qu’j’suis l’Inconstance même et qu’toi
Et qu’toi dans l’soir d’hiver d’tes doutes
Qu’j’suis l’Inconstance même, et qu’t’as choisi
T’as choisi d’y voir qu’tes manques, tes doutes
Alors qu’j’suis c’grand manteau blanc
Alors qu’j’suis là où tu montes, en toi
Alors qu’j’suis là où tu r’descendras
Fermer les yeux en descente, ça oui :
Ça fait qu’on s’enduit d’une chute
Dans tes yeux fermés j’me suis senti chaos
Relief déformé, mis KO
Comme d’avoir chuté avant d’monter
D’avoir été chahuté par je n’sais quelle fonte
D’avoir pas pu compter, à feu et à sang
Jusqu’à deux ou a cuatro
A feu et à sang, j’aurais voulu m’montrer
J’aurais voulu t’montrer, mes déluges, mes tremblements
J’aurais voulu qu’tu m’montres, tes refuges, tes embardées blanches
J’aurais voulu être de ces bordées vierges de tes doutes
Mais tes doutes m’ont débordé avant tout mouvement
T’as sabordé la page par un cran d’arrêt
Pero el sabor, dis, on l’a même pas engagé
Et j’aborde ici l’horizon, ma montagne
J’t’y r’vois, radieuse à l’hiver
Car je n’veux qu’t’y voir, radieuse
Quand bien même toi t’as pas voulu voir
A feu et à sang, j’te r’vois dans la poudreuse
A feu et à sang, j’me mets pas d’poudre aux yeux
Je n’veux que t’voir radieuse
J’dirai à mes montagnes alors, chaque soir
J’leur dirai, oui, dans la poudreuse
J’leur dirai d’t’être infiniment affectueuses
Jean-Marie Loison-Mochon
A feu et à sang