La Sure - J'dirai à mes montagnes - A feu et à sang - Jean-Marie Loison-Mochon

J’dirai à mes montagnes

Maint’nant qu’tout finit

Qu’tout l’feu s’inhibe en silence

Qu’aphone et absent, le sang s’veut plu’ froid

Qu’la faune des sens est blanche comme neige

Sur une page d’encre où errerais-je sinon ?

Page qui red’vient blanche,

Aphone et absente

A feu et à sang, j’peux m’finir

Aphone et absent, j’peux plus que m’finir

J’confine ici le feu et l’sang

Comme aux confins d’une étreinte

Un abrazo et pas une plainte

Car toute quinte d’encre doit finir

Comme une griffe incante, à feu à sang

Comme une patte féline, un conte

Griffe ensanglantée ou cantatrice

En chat noir sous la grande actrice

A la lune alors, enchanter la fin

A la lune alors, en chanter la fin

A feu et à sang, dans l’abrasion du temps

A feu et à sang j’peux m’souv’nir

J’peux m’soutirer un rêve, une vision

Sous-terrain sans trêve : les mots, les rêves

Et j’peux te r’voir à contre-jour

Le feu du soir dans ton dos, bascule

J’te distingue pas, dans l’crépuscule

Tout c’que m’dit c’instant c’est : le Pas

Au Pas de la Miséricorde

Palabre et gros mot, pas un arbre

Le feu du soir dans ton dos, et l’Vercors

Toi dans la gloire du contre-jour, à faire corps

A faire corps avec la joie sauvage, en Chartreuse

A feu et à sang c’est une image

Et j’t’imagine en mes montagnes encore

J’t’imagine en joie

En moi il se machine de ces feux

Mon inconscient est une machine

Il a ses jeux et m’fait t’y voir

Y t’fête de soir en soir, de cabane en refuge

Moi c’est pas qu’j’le refuse mais

Mais il m’use, son feu, aphone et absent

Car dans c’soir j’te revois musarder

Oui là au Pas d’la Miséricorde et…

Quelle étrange cordée, le crépuscule et toi

Quel étrange corps d’ombre, ma Chartreuse et toi

Qu’c’est étrange, le Vercors en fond

Etrange cordon, ombilic des limbes

Ombilic d’une fin

Fin brève, annoncée, qui rapplique

A feu et à sang j’m’adoucis pas

Et tu rétrécis pas dans c’soir

Tu fais qu’grossir dans ma pensée

Et mes traits d’encre aussi

Pour imploser

A feu et à sang

J’nous expose et ça t’blesse ?

A feu et à sang, pourquoi ?

Le sexe confessionnal

Le sexe confectionna la fin

Le sexe et l’abrasion

L’silex de un abrazo, aussi

Le sexe confectionne sans feinte

Aux sexes, à nos confins

A feu, à sang, j’résonne

Et mon inconscient m’en r’donne

De c’t’image intemporelle de toi

A la tempe, l’oreille : que toi

J’n’ai pas tendu les rayons

Dans c’t’image de toi en montagne

J’sais qu’j’image en flous

Mais dans c’t’image toi aussi tu sais

Toi aussi t’es contre-jour

Tu m’racontes un sourire à tes joues

J’m’attache aux soupirs, à tes joies

Et ma tâche d’encre te voit montagne

Montagneuse au crépuscule

A feu et à sang tu m’auras bousculé

A feu et à sang, batailleuse un soir d’hiver

Et dans ces bataillons du soir j’peux t’voir

J’ai peu d’voix, j’le chant’rai pas

Mais j’peux t’voir au Pas, dit d’la Miséricorde

Moi j’dis d’la misère, le corps à feu et à sang

J’te vois l’Isère en fond

J’te vois le contre-jour qui t’voile

A feu et à sang, la voile au loin

A feu et à sang, voile au loin déjà

J’te r’vois à l’image

Au soir à Hurtières ou Jusson

Une cabane dans son jus, Hurtières ou Jusson

Plus qu’à boire des verres et lire un livre d’or

Livre à feu et à sang, d’alcool et d’nuits froides

Y lire le feu d’mots paillards

T’imaginer dormir sur paillasse

Imaginer tes ch’veux, faire orpaillage

Y faire un pillage d’argent, les t’nir

Et m’dire soudain qu’c’est pas moi

D’accord alors si l’flou s’étire :

Rev’nir à l’image de toi dans l’soir

Y v’nir et rev’nir comme le jour dans ton dos

Y v’nir et rev’nir comme la nuit en moi

Y v’nir et te t’nir, dans mes yeux las

A feu et à sang mais là, aphone et absent

A feu et à sang, lassé d’me répéter

A feu et à sang quand même, putain d’théorème

Putain ! D’se voir encore théorème

T’es au rythme d’mon encre

S’décevoir, de s’voir moins

De t’voir que dans c’soir d’hiver

A feu et à sang, heure crépusculaire

Et la Sure à ta gauche

La Sure qui faillit m’donner la Certaine

Qui faillit deux fois m’donner la Certitude

La grande certitude de la Mort

Et l’Vercors au loin qui m’regardait

Le Vercors me r’gardait m’enfoncer

Dans ces ch’minées, à feu à sang

Le Vercors comme y t’reluquait c’soir d’hiver

Ton dos dans la fin d’jour, à feu

Et moi dans ces ch’minées, à sang d’la vie

Là dans l’sentier ascensionnel

A feu et à sang, j’nous r’vois sensuels

Aphone et absente, j’te revois aussi sans

Sans l’sens tu erres, j’ai qu’une image

La Sure pas loin, la fin certaine

La fin m’serre la tête, moins l’encre

La fin d’jour t’enserrait sur c’t’image

Au Pas d’la Miséricorde

Où là j’nous aurais misé mieux

Un soir d’hiver j’nous voyais corps d’ombre

Soir d’hiver, cordée en rien voyeuriste

Je vois l’rictus du jour sur l’image

A contre il me tisse une ombre : c’est toi

Tu m’es tissu d’ombre : oui toi

A feu et à sang

Aphone et absente

Tu m’as tissé un carcan cont’nu

Or moi j’suis d’ces reliefs qui t’ont ému

Ces soirs d’hiver et ceux à v’nir

Pas d’balivernes, j’suis l’Inconstance

J’suis une caverne, allégorie

Mais j’suis allégresse aussi

J’suis le pic et l’à-pic

Toi tu t’appliques, aphone

Moi ça m’pique, à feu et à sang

Aphone et absente, j’te r’vois c’soir au Pas

J’te reverrai pas, p’t-être

J’te r’vois juste à cette fenêtre alors

Celle où l’jour me défenestre ton ombre

Rien de funeste ou d’sombre ici

Je r’vois ton ombre en montagne

J’te r’vois au Pas d’la Miséricorde

J’m’en fais repas mais c’est vide

Alors j’en r’pars pas repu

Comme j’repartis c’matin d’étreinte

J’en r’partis pas repu et

Et ma répartie s’essouffle…

Car t’es r’partie en montagne

T’es r’partie dans mes montagnes

Celles qui s’décrivent comme moi :

C’lui qui écrit, dérive en mille reliefs

J’ai mis l’relief sur l’sexe, à feu et à sang

Mais surtout sur toi, aphone et absente

Flore et faune de montagne

Tu les effleur’ras dans l’Blanc

Dans l’Blanc d’une page, d’une neige

Et n’doute pas j’te l’dis

Qu’si tes doutes parlèrent, un dimanche ou lundi

Dans d’ces jours indignes qui font que j’m’épanche

Dis-toi qu’ces montagnes que tu goûtes

Qui gouttent d’effort, à feu et à sang

J’leur ressemble fort

Tu les ressens, tu m’sens plu’

Mais j’leur ressemble fort pourtant

Pour tant d’inconstance au relief

Si j’te r’lis, tu m’as vu qu’en creux

Comme une relique, un terne ou famélique

Alors intériorise plutôt, à feu et à sang

Qu’j’suis l’Inconstance même et qu’toi

Et qu’toi dans l’soir d’hiver d’tes doutes

Qu’j’suis l’Inconstance même, et qu’t’as choisi

T’as choisi d’y voir qu’tes manques, tes doutes

Alors qu’j’suis c’grand manteau blanc

Alors qu’j’suis là où tu montes, en toi

Alors qu’j’suis là où tu r’descendras

Fermer les yeux en descente, ça oui :

Ça fait qu’on s’enduit d’une chute

Dans tes yeux fermés j’me suis senti chaos

Relief déformé, mis KO

Comme d’avoir chuté avant d’monter

D’avoir été chahuté par je n’sais quelle fonte

D’avoir pas pu compter, à feu et à sang

Jusqu’à deux ou a cuatro

A feu et à sang, j’aurais voulu m’montrer

J’aurais voulu t’montrer, mes déluges, mes tremblements

J’aurais voulu qu’tu m’montres, tes refuges, tes embardées blanches

J’aurais voulu être de ces bordées vierges de tes doutes

Mais tes doutes m’ont débordé avant tout mouvement

T’as sabordé la page par un cran d’arrêt

Pero el sabor, dis, on l’a même pas engagé

Et j’aborde ici l’horizon, ma montagne

J’t’y r’vois, radieuse à l’hiver

Car je n’veux qu’t’y voir, radieuse

Quand bien même toi t’as pas voulu voir

A feu et à sang, j’te r’vois dans la poudreuse

A feu et à sang, j’me mets pas d’poudre aux yeux

Je n’veux que t’voir radieuse

J’dirai à mes montagnes alors, chaque soir

J’leur dirai, oui, dans la poudreuse

J’leur dirai d’t’être infiniment affectueuses

 

 

 

Jean-Marie Loison-Mochon

A feu et à sang

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