El viaje | Le voyage
Tant de néo-nomades
Qui sur le dos de leur modernité mettent
Qui sur l’eau de leurs jours trop modérés mettent
De ces doses de pommade
De ces choses qu’ils appellent voyage
Quand ça s’appellerait plutôt convoyage
Car le confort est parlant, criant
Il importe une fois de partir, une fois d’acheter
Imposture à aller, ou désirer
La modernité crée des postures, oui
Parce qu’il faut poster, parce qu’il faut postuler à exister
Et ne surtout pas pester : il faut se montrer excité
Et citer des lieux, des cités de partout
Des cités de nulle-part, de mille ports sous cécité
La modernité se récrée, de son imposture
Monde élimé du verbe : aller
On révère faire, réverbère à : acheter
Mais on n’achète pas le verbe aller
Car aucun argent ne peut aller en soi
Sauf celui que la lune agence, aux joies
A ces genres d’illusions, que dire ?
Qu’un direct ne vaut pas aller
Car aller n’est que trois points au loin
Un direct en suspension : aller
Aller en soi, là où il n’y a pas de retour
A l’errance, aller en soi
Pas d’imposture alors
Car l’aventure c’est encore
C’est encore se risquer soi
S’exposer de corps et d’esprit : à l’autre
Et s’oser, s’éparpiller, se distendre
Partir peu importe la distance
A l’aventure dans… l’existence
Car l’excitant est là, de s’aventurer
Se risquer soi dans de savantes nuées
Jean-Marie Loison-Mochon