Berlin-Belgrade
Ma curiosité te demanderait ce que tu ressentis
A te déraciner, d’une capitale -natale ?- à la terre plus ancestrale de ton père
Je tempère mes questions mais questionne l’exil
Dans ma ville je cherche d’autres nations
Toi, qui en as cinq au bout de la langue
Toi qui as tant d’élan de mots et deux pays dans le sang
Me diras-tu comment tu te sens, quittant une terre pour en rallier une autre ?
Je ne pense pas que tu te sois enrayée, en te réunissant à l’une
En alunissant sur elle, je ne pense pas qu’avec l’autre tu ne sois plus
A l’unisson, alors dis-moi, ce qui t’a plu, ce qui t’a déçue
Ces univers sont distincts, des pays pas si lointains et pourtant
Quelle est la portance de l’un ou l’autre en toi ?
Quelle personnalité as-tu ici, qu’en secret tu gardais dans l’autre
Ma curiosité se fait curieuse, de tes pensées, tes sensations As-tu pris à Belgrade une cure de rugosité
A tout prix as-tu voulu rentrer, encensant ton passé ?
Ou à deux mille et quelques kilomètres de ta ville
Finalement ne t’es-tu pas sentie chez toi aussi
Chez toi ici loin de Berlin, sans le chatoyant éclectisme né des destructions
Deux cités les ayant connues, et toi ?
En ces terres qu’as-tu construit, rebâti ?
Relevé des souterrains de ton passé, ravivé de sous-tendu par des liens de sang ?
A la vérité, un jour tu t’es décrite arbre en une autre vie
Et je suis curieux, tendrement curieux, de savoir : ce monde
Comment fais-tu toi pour l’habiter en bribes d’ici, de là, pour être entière
Entière comme je t’ai entraperçue, désireuse de percer tes impulsions
Tes perceptions, qu’elles soient berlinoises ou belgradoises
Sauras-tu me dire, ce que tes racines ont touché
A chaque fois que tes doigts ont caressé les noms de ces cités
Rendant l’absence de l’une aveugle à l’autre
Qui vit grandir l’essence de toi, les sens qu’en toi prennent ces deux mondes-là
Jean-Marie Loison-Mochon