A l'appel de como un pulso nuevo - A feu et à sang - Jean-Marie Loison-Mochon

Vos y yo – III

Je crois que je vais jamais arriver à finir cette lettre, j’aurais mille choses à te dire. Même dans les silences, dans mes absences, j’avais tant de choses à te dire. Je sais que tu as beaucoup souffert de ces temps-là, quand j’étais loin, ou silencieuse. Je le sais parce que Aïda me l’a dit, il y a pas longtemps. Alors je te remercie, de ne pas l’avoir trop montré. Tu as tout fait pour que je me sens sans poids, tout le temps, malgré ce que tu ressentais, la tristesse. Si je n’avais pas eu mon groupe, je crois que je serais… j’aurais eu la dépendance de toi, la dépendance affective. Je voulais pas tomber dedans, et je suis désolée de voir que toi, tu as pas pu tout à fait l’éviter. Pourtant tu as été si fort, encore, en ne le montrant pas, en faisant au mieux le peu de temps que je nous donnais. Et à côté tu t’es tellement… occupé ? Tu as fait tant de choses. Supongo que… tu dois sortir de nous complètement épuisé. Peut-être aussi sors-tu de la relación avec sentiment de pas assez. Que tu n’as pas pu me donner tout ce que tu voulais, que tu as eu l’impression que je m’en foutais de nous des fois. Que je me suis pas assez donnée, montrée. C’est vrai aussi.

Mais tu connais les raisons, même si elles sont floues peut-être. Il y a ce que je dois faire, maintenant, et il y avait le passé. J’avais peur. Je ne l’ai jamais dit comme ça. Tenía miedo. C’est pourquoi je te remercie más aún d’avoir voulu tout porter : ma peur, ton manque et ta tristesse, et tout ce qui fait ta vie aussi. Ne crois pas que je sous-estime tus esfuerzos. Je les ai vus et peut-être même pas tous. Avec el correr del tiempo, peut-être que je réaliserai plus encore.

Tu dois avoir beaucoup de frustration. C’est mauvais, tu le sais, et moi je sais que c’est inévitable. Alors c’est inutile peut-être si je le dis, mais même pour moi, je me redis, ce livre que tu m’avais fait lire, de cet auteur… je sais plus qui c’était, qui était allé en Algérie. Les matins dans le lit chez toi, je le lisais tu te rappelles ? Et il y avait quand il disait… je préfère me dire que ce qui n’a pas été, c’est ce qui ne pouvait pas être[1]. Tu la disais beaucoup cette phrase, me acuerdo. Toi, tu diras que c’est de la fatalité, c’est ça ? Moi je dis que c’est de accepter le monde. Accepte les choses. Je sais que tu n’accepteras pas avant longtemps, peut-être jamais. Tu n’es pas du genre à accepter… moi… c’est moi qui pars, vers autre chose… ça me fait mal, toi, moi. Mais peut-être que je peux faire une diversion, à ma peine, parce que j’agis vers ce but, dont je peux pas te dire.

Je sais aussi que je t’ai vexé l’autre fois, quand j’ai dit que tu étais beaucoup tourné vers le passé, et que moi j’étais tournée vers l’avenir. Ne pas accepter, c’est un peu rester dans le passé quand même, tu crois pas ? Mais je sais bien, que tu ne regardes pas le passé pour le passé…. je disais aussi ça pour… pas pour te blesser, même si c’est arrivé, mais pour commencer à mettre la distance necesaria pour partir. L’élan nécessaire, pour partir. Je sais pas si j’en ai pris assez… pour toi comme pour moi.

« Qu’est-ce que vous faites dans la vie ?

-Je prends mon élan [2]» c’est joli ça aussi… c’est le mot élan qui m’y fait penser. Tu saurais de qui c’était, toi. Moi je n’ai que les mots et pas la referencia. Face à toi, faire cette lettre, la dire… je crois que je les aurais même pas eus, les mots.

Je te remercie d’avoir respecté mes silences, mes distances. C’est aussi ce qui me faisait me sentir en confiance, avec toi. Je sais, pas en confiance pour tout, ou pour le futur mais… oui je sais. Tu es sûrement plus optimiste que moi. Je me souviens quand on parlait de la politique une fois, tu m’as coupé et tu t’es mis à chanter. Toi, chanter ! Cette chanson de il y a longtemps « mourir pour des idées, d’accord, mais de mort lente ». Tu voulais me faire passer un message, c’est ça ? Tu disais qu’on ne peut pas mettre le monde à feu et à sang. Moi j’ai l’impression qu’à chaque fois que je suis revenue, repartie, c’est ce que j’ai fait dans ton monde. Et crois-moi, ça me le fait aussi, de partir de toi. Parce que peut-être que tu commençais d’avoir une partie de moi.

Je ne suis pas sûre de vouloir suivre le message que tu me chantais. Comme je ne suis pas sûre que je pourrais écouter ou lire les messages que tu enverrais, ou tes textes dans la revue. Mais par moments, je peux pas l’éviter, la pensée de toi, car tantas cosas… Oui y’a tant de choses qui me font aller à toi. Des fois c’est peut-être l’univers qui fait passer unas cartas

Comme ce soir-là, tu te souviens ? A Quiberon, ça t’a frappé ! Et je comprenais pas ce qui t’arrivait al principio.  Mon principito… j’aimais bien t’appeler comme ça. C’est un peu vrai, non ? T’es un p’tit bonhomme, grand pour moi, perdu sur sa planète, dans son rêve. Comme moi dans le mien. On nous le lisait beaucoup en Argentine, tu sais ? C’est drôle, de se dire qu’on a peut-être eu les mêmes histoires d’enfant dans le lit les mêmes soirs. Grâce à cet Antoine ! Il faisait déjà le pont entre nos pays, avant même qu’on le fait nous. Mais pardon, je dérive.

Je me souvenais de ce soir à Quiberon, quand je me suis allongée sur le lit en rentrant del restaurante. Toi tu t’es assis sur le petit fauteuil à côté, t’avais l’air fatigué. Et puis tout à coup, il y a eu un éclair de luz sur ton visage ! Et tu m’as fait écouter la chanson… je reviens à la 505, tu attends allongée sur le côté, la main entre les cuisses, et le sourire… c’était peut-être un message ce soir-là, oui. En fait regarde, c’est peut-être un message même maintenant. Le chanteur il se souvient con melancolía, de cette fille dans cette chambre. Maintenant c’est toi, maintenant c’était moi, cette fille dans cette chambre.

Malgré tout ça, je me doute ce que tu as pu ressentir, dans les silences. Ils seront encore plus pesants maintenant, que ce soit avant ou après cette lettre, si même tu la lis un jour. Je l’ai déjà vécu, je sais. Que le silence est un poison terrible, que dedans on se met à faire mille projections, à se demander « et si ? » mais c’est pas le « et si ? » que tu aimais me dire, qu’on trouve dedans le désir. C’est le « et si ? » de… est-il seul ? Avec une autre ? En sécurité ? Pense-t-il à moi ? Combien de fois par jour ? Est-ce que je lui manque ? Est-ce qu’il est mieux sans moi ? Est-ce que j’ai bien… toutes ces questions.

J’espère qu’Aïda est auprès de toi, et qu’elle t’évitera de ces moments. C’est une fille géniale, también me duele perderla. Vous faites la paire tous les deux.

Ici, je ne suis pas seule mais… ça ne change rien. Ne va pas t’imaginer les autres hommes. Je sais, ça ne sert à rien de dire ça, tu y penseras quand même. Tout futur finit par arriver, c’est ce que tu disais souvent.

J’ai l’impression de m’adresser à toi comme si je parlais à un mort. J’espère pas. J’espère que tu me survivras longtemps, et que tu verras le monde changer pour moi.

En cuanto a la soledad… Tout ça autour de la solitude, c’est paradoxal. Vos, je me souviens de ce que tu m’avais dit, et ça m’avait fait peur pour toi. Et peur vis-à-vis de moi. Tu avais fini une journée en disant que tu avais « peur que tu ne sois pas là demain matin au réveil, comme à la plage. Avant de te rencontrer, je ne me sentais pas seul ». C’est une phrase como déjà ? Ah oui, à double tranchée, c’est ça ? Que le manque de moi te fait te sentir seul, ou que je suis tellement absente que je suis como una alegoría de la solitude dans tes pensées. La solitude, ça vient aussi quand on a du mal à être avec soi-même, tu crois pas ? Peut-être que je cristallise la tienne alors. Toi en tout cas, je ne peux pas t’éviter, même loin et avec ceux de mon groupe. Je me sens seule de toi. Je sais, tu sauterais sur l’occasion : « alors Agu’, c’est parce que tu doutes du sens de ce que vous allez faire ». Eh… non je n’en doute pas. C’est pour le meilleur. Tu te souviens cette phrase par terre une fois ? C’était un parodia de redouter lo peor. Ça disait « soupçonne-moi du meilleur ». Tu ne sais pas ce que je fais ici Jules, mais je te le demande.

 

 

 

[1] Les nourritures terrestres

[2] Les faux-monnayeurs

Dans les rues de Saint-Etienne
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